Le 11 mars dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité et en première lecture la proposition de loi visant à renforcer la protection de l’enfant. Ce sera à présent à l’Assemblée nationale de se prononcer sur ce texte à partir du 12 mai prochain.
Prenez connaissance des articles votés par le Sénat :
Article 1er (CASF, art. L. 112-3) – Suppression de l’article sur la création d’un conseil national de la protection de l’enfance. Cette nouvelle instance nationale non seulement ne pourra permettre le pilotage d’un dispositif de protection de l’enfance entièrement décentralisé et de la compétence des départements depuis 1983, mais il ferait doublon avec l’Observatoire national de la protection de l’enfance, que l’article 3 prévoit d’instituer en remplacement de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED.
Article 2 (CASF, art. L. 226-3-1) – Une mission supplémentaire, relative aux programmes de formation continue des professionnels de la protection de l’enfance, est confiée aux missions des observatoires de la protection de l’enfance au regard de l’obligation légale de formation des professionnels.
Article 3 (CASF, art. L. 226-6, L. 226-9 et L. 226-10) – La dénomination de l’observatoire national de l’enfance en danger (Oned) devient « observatoire national de la protection de l’enfance » (ONPE). L’ONPE sera ainsi mieux identifié comme tête du réseau des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE). Du reste, les informations anonymes relatives à toutes les mesures de protection de l’enfance, administrative ou judiciaire, hors aides financières, dont bénéficient des mineurs ou des majeurs de moins de 21 ans, lui seront transmises en même temps qu’aux ODPE (n° 22 rectifié bis).
Article 4 (CSP, art. L. 2112-1) – Dans chaque département, un médecin référent « protection de l’enfance » – pas forcément un médecin de la PMI (amendement n° 54) – serait chargé d’établir des liens de travail réguliers en coordonnant l’action et en facilitant la transmission d’informations (amendement n° 22 rectifié bis) entre les services départementaux, la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, dans des conditions définies par décret.
Article 4 bis (CASF, art. L. 221-3) – L’autorité centrale française doit être alertée sur toute procédure engagée à l’étranger concernant un éventuel placement d’enfants français par une autorité étrangère. Ainsi, les demandes de renseignements relatives à une famille ou à un mineur formulées par une autorité étrangère doivent impérativement faire l’objet d’une validation au préalable de l’autorité centrale française, puis d’un avis aux parents (amendement n° 15 rectifié quater adopté contre l’avis défavorable du Gouvernement, qui soutient que l’amendement n’est pas conforme aux instruments de coopération existants, en particulier à la convention de La Haye).
Article 5 A (CASF, L. 221-1) – Une troisième mission est assignée au service chargé de la protection de l’enfance : veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme (amendement n° 47).
Article 5 (CASF, art. L. 223-1) – Cet article tend à préciser le contenu et les modalités d’élaboration du projet pour l’enfant.
Article 6 (CASF, art. L. 223-1, L. 223-1-1 nouveau et L. 421-16) – En cas de placement de l’enfant il est précisé à la personne physique ou morale qui l’accueille les actes usuels de l’autorité parentale qu’elle ne peut accomplir sans en référer préalablement au service d’aide sociale à l’enfance. Le projet pour l’enfant mentionne également, à titre indicatif, une liste d’actes usuels que la personne qui accueille l’enfant peut accomplir sans formalités préalables (amendement n° 52 qui a supprimé le terme « courants » qui avaient été ajouté à l’expression « acte usuels » pour éviter de créer une nouvelle catégorie juridique au sein des actes usuels) (reprise de la proposition n° 11 du rapport « Coparentalité » ; n° 34 du rapport Gouttenoire).
Article 7 (CASF, art. L. 223-1) – Suppression de la validation du projet pour l’enfant par une commission pluridisciplinaire, pour éviter notamment une asphyxie des services contre l’avis défavorable du Gouvernement (amendement n° 23 rectifié bis et amendement n° 26 rectifié).
Article 8 (CASF, art. L. 223-3) – Information du juge en cas de modification du lieu d’accueil d’un enfant confié au service de l’ASE (et non plus son avis). Une distinction est faite selon qu’il a été placé plus de deux ans au même endroit ou moins de deux ans. Dans le premier cas, le juge doit être informé au moins un mois avant la mise en œuvre de la décision, sauf urgence ; dans le deuxième cas, il doit l’être dans le même délai, sauf urgence et sauf si un tel changement a été prévu par le projet pour l’enfant (amendements n° 49 et 53).
Article 9 (CASF, art. L. 223-5 et C. civ., art. 375) – Précision du contenu du rapport annuel de l’ASE ( notamment les relations de l’enfant avec des tiers) élaboré pour tout enfant faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative, et transmission au juge tous les ans, voire tous les six mois lorsque l’enfant est âgé de moins de deux ans.
Article 10 (CASF, art. L. 223-1) – Suppression de l’article sur les règles de consultation des dossiers d’assistance éducative en ce qu’il crée un mécanisme dérogatoire aux procédures prévues par la loi de 1978, qui présente des garanties juridiques suffisantes.
Article 11 (C. civ., art. 371-4 et 375-4-1) – Suppression de l’encadrement des relations entre l’enfant et un tiers et consécration prétorienne de la compétence du juge des enfants pour fixer les modalités des relations entre l’enfant bénéficiant d’une mesure d’assistance éducative et un tiers. Et s’agissant de la durée de placement, remplacement de l’alinéa instituant une durée maximale de placement par un alinéa incitant le service auquel l’enfant est confié à rechercher la solution la plus à même de garantir la continuité des conditions de vie de l’enfant lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret : adoption, retrait ou délégation de l’autorité parentale, placement long… Il reviendra à ce service de saisir le juge compétent en présentant les raisons qui l’amènent à retenir ou à exclure les mesures envisageables.
Article 12 (C. civ., art. 370) – Suppression de l’article sur la réforme des règles de révocabilité de l’adoption simple, lequel tendait à rendre irrévocable l’adoption simple pendant toute la minorité de l’adopté, sauf à la demande du ministère public s’il est justifié de motifs graves. Cet article pourrait avoir un effet dissuasif sur les personnes candidates à l’adoption et touche à une question qui doit être abordée dans le cadre d’une réflexion plus générale sur les évolutions à apporter à l’adoption sous ses différentes formes.
Article 13 (CASF, art. 223-7) – Mise en place d’une proposition d’accompagnement médical, psychologique et éducatif en cas de reconnaissance d’un enfant né sous le secret : lorsqu’un enfant né sous le secret est restitué à l’un de ses parents (dans le délai de 2 mois suivant sa naissance), pendant les trois années suivant cette restitution.
Article 14 (C. civ., art. 346 et 360) – Suppression de l’article sur l’extension des cas de ré-adoptabilité aux enfants adoptés admis en qualité de pupilles de l’État qui conduirait à remettre profondément en cause le principe d’irrévocabilité de l’adoption plénière posé à l’article 359 du code civil.
Article 15 (C. civ., art. 345 et 353 et C. pr. civ., art. 1170) – Prise en compte de l’avis de l’enfant dans la procédure d’adoption. A noter également que la commission a supprimé la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter les intérêts de l’enfant dont l’adoption est demandée, notamment parce que l’article 388-2 du code civil prévoit déjà l’obligation pour le juge de désigner un administrateur lorsque les intérêts du mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants.
Article 16 (CGI, art. 786) – Alignement du tarif appliqué aux successions en matière d’adoption simple sur le taux applicable aux transmissions en ligne directe : les transmissions à titre gratuit dans le cadre d’une adoption simple sont imposées comme les transmissions en ligne directe lorsque l’adoptant décède pendant la minorité de l’adopté. Il est désormais précisé, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, qu’il suffit que les « secours et soins ininterrompus » aient été prodigués au titre d’une « prise en charge continue et principale » par l’adoptant.
Article 17 (C. civ., art. 375-1) – Suppression de l’article sur la désignation systématique d’un administrateur ad hoc dans le cadre de la procédure d’assistance éducative.
Article 18 (C. civ., art. 347, 350, 381-1 nouveau et 381-2 nouveau) – Réforme de la procédure de déclaration judiciaire d’abandon : dans sa rédaction initiale, la présente proposition de loi substituait la procédure de déclaration judiciaire d’abandon à une procédure judiciaire de délaissement parental, la finalité recherchée étant de fonder cette procédure sur des critères plus objectifs. La commission des affaires sociales est revenue à la notion « d’abandon » (celle de « délaissement » étant déjà utilisée en matière pénale pour viser une infraction spécifique), a précisé que l’abandon doit être volontaire (pour éviter qu’un parent ne voie son enfant déclaré abandonné alors qu’il était hors d’état de se manifester : maladie, coma, expulsion) et a supprimé l’obligation pour le tribunal de se prononcer dans un délai de six mois (délai jugé irréaliste compte tenu des investigations complémentaires qui sont souvent nécessaires). Ce que valide le Sénat. L’appréciation de l’abandon « serait donc fondée sur le défaut de relation entre le parent et l’enfant, plutôt que sur l’absence d’actes effectués par le parent, pour éviter qu’un parent, dont on dit qu’il est « à éclipses », c’est-à-dire qu’il n’entretient qu’un lien artificiel avec l’enfant à travers d’actes isolés, ne fasse échec à la déclaration d’abandon. Il s’agit donc bien de protéger l’enfant ».
Article 19 (C. civ., art. 224-8) – Suppression de l’article sur la sécurisation du dispositif de recours contre l’arrêté d’admission d’un enfant en qualité de pupille de l’État. Cela aurait conduit à modifier prématurément un dispositif mis en place récemment, par une loi du mois de juillet 2013, alors qu’il n’a pas encore fait les preuves de son inadaptation.
Article 20 (C. civ., art. 378) – Suppression de l’article sur le retrait automatique de l’autorité parentale par le juge pénal lorsqu’un parent se rend coupable d’un crime ou d’un délit sur la personne de l’enfant ou celle de l’autre parent car « le Conseil constitutionnel n’accepte pas cette automaticité, pas plus que la Cour européenne des droits de l’homme ».
Article 21 (C. civ., art. 726) – Suppression de l’article sur l’exclusion automatique des parents de la succession de leur enfant en cas de crime ou de délit commis sur celui-ci, inopportune et porteuse de risques juridiques au plan constitutionnel.
Article 21 bis (C. civ., art. 21-12) – Acquisition de la nationalité française de l’enfant recueilli par kafala après 2 ans (et non plus 5).
Article 22 (C. pén., art. 222-24, 222-28, 222-30, 222-32-1 nouveau, 227-26, 227-27-1A nouveau et 227-27) – Suppression de l’article sur la création d’une qualification pénale de l’inceste valant circonstance aggravante d’infractions à caractère sexuel : cet article nécessite un débat beaucoup plus technique sur l’incorporation du mot « inceste » dans le code pénal.
Article 23 – « Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
Source : http://forum-famille.dalloz.fr/2015/04/23/protection-de-lenfant-le-point-sur-le-vote-au-senat/
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