Point sur la fonction juridique du livret de famille

Un parlementaire demande, dans le cadre d’un couple marié composé de deux femmes, au garde des Sceaux la possibilité de faire figurer sur tout livret de famille les enfants issus de l’une ou de l’autre maman afin de faciliter les démarches administratives habituelles.

Dans sa réponse, le garde des Sceaux rappelle que : « la place juridique du parent fondée sur le lien de filiation doit être clairement distinguée de la place sociale prise par certains beaux-parents, qui peuvent certes avoir des “liens éducatifs” mais n’ont aucune prérogative en matière d’autorité parentale, sauf décision particulière du juge aux affaires familiales. Cette distinction justifie que le 2° de l’article 3 du décret n° 74-449 du 15 mai 1974, modifié, relatif au livret de famille, prévoit que le livret de famille délivré à l’occasion de la célébration d’un mariage est complété par les extraits d’actes de naissance des seuls enfants communs au couple.

En conséquence, dans le cas d’une personne mariée mais dont l’enfant n’a de lien de filiation établi qu’à l’égard d’un seul membre du couple, l’extrait de l’acte de naissance de l’enfant ne pourra être porté sur le livret de famille délivré au moment du mariage mais sur un nouveau livret de famille délivré au parent concerné au moment de la naissance de l’enfant. En revanche, si la filiation de l’enfant est établie par la suite à l’égard de son beau-parent par le prononcé d’une adoption plénière ou simple, alors le livret de famille délivré à l’occasion de leur mariage pourra être complété par l’extrait de naissance de l’enfant, celui-ci étant devenu l’enfant commun du couple.

Toutefois, si le livret de famille ne constitue pas un support adéquat à la question de la reconnaissance du rôle du beau-parent, qui en pratique peut effectivement accomplir certaines démarches administratives en lieu et place du parent de l’enfant, le Gouvernement reste attentif à cette question qui a trouvé certains développements dans la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014 ».

 

Source – Jurisclasseur droit de la famille – 20 mai 2016

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Le nom de l’enfant n’a aucune incidence sur son lien de filiation

Quelques mois après la naissance de son enfant, la mère assigne le prétendu père en établissement du lien de filiation. En première instance, les juges font droit à la demande, une expertise biologique ayant conclu à la paternité de l’intéressé, et accolent le nom du père au nom de la mère. Pour autant, le jugement confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale à la mère et fixe la résidence habituelle de l’enfant au domicile de cette dernière.

En seconde instance, la cour d’appel infirme le jugement concernant le choix du nom. Il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de porter le nom du père, ce dernier refusant de s’investir dans la vie de l’enfant. La mère se pourvoit en cassation et fait valoir, dans son moyen, que des liens familiaux et d’affection s’étaient noués entre l’enfant et son grand-père paternel. Elle invoque, à cette fin, le droit de l’enfant à préserver son identité.

Le pourvoi est rejeté, le 11 mai 2016. « La cour d’appel a souverainement estimé qu’au regard du contexte familial, il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant de porter le nom de son père ». L’occasion, pour la Cour de cassation, de rappeler que le nom n’a pas d’incidence sur le lien de filiation, lequel est judiciairement établi et donc plus contesté.

 

Sources – Jurisclasseur droit de la famille – 19 mai 2016

Réflexion gouvernementale sur le changement de sexe

En fin d’année dernière, la ministre de la Justice était interpellée par un sénateur quant au changement de sexe sur les registres d’état civil. Précisément, la question était de savoir si le gouvernement envisageait de modifier l’ article 57 du Code civil , pour que la mention « sexe neutre » puisse être portée dans l’acte de naissance d’une personne intersexuée. Le tribunal de grande instance de Tours avait opté pour cette alternative, le 20 août 2015, et satisfaire ainsi la demande de changement de sexe d’une personne dont il était médicalement prouvé qu’elle n’était ni homme, ni femme (TGI Tours, 20 août 2015 : JurisData n° 2015-022399).

Sur ce point, la réponse ministérielle précise que le jugement a été infirmé en appel, la cour d’Orléans ayant récemment exclu des actes d’état civil toute mention autre que « masculin » ou « féminin » (CA Orléans, 22 mars 2016 : JurisData n° 2016-004932 ; Dr. fam. 2016, Étude 8, J.-R. Binet). En pratique, seul un délai de réflexion est toléré pour accompagner les personnes dans leur prise de décision.

Pour autant, l’intérêt de la question demeure et le ministère de la Justice indique « poursuivre une réflexion sur la possibilité de créer un état civil provisoire pour les enfants dont le sexe n’est pas déterminé à la naissance ».

 

Source : Jurisclasseur – 18 mai 2016

Equilibre entre la prohibition de la gestation pour autrui et l’intérêt de l’enfant

Il y a plusieurs mois, un député interpellait le ministre de la Justice sur les actions mises en œuvre par le gouvernement pour assurer la cohérence du droit français en matière de procréation médicalement assistée et de gestation pour autrui.

Le 3 mai 2016, est publiée au journal officiel de l’Assemblée nationale la réponse ministérielle du garde des Sceaux, laquelle fait un tour des dispositions applicables à l’enfant né à l’étranger, soit grâce à un don de gamètes, soit grâce à une mère porteuse.

Elle rappelle que la Cour de cassation s’est prononcée favorablement à l’adoption de l’enfant, né à la suite d’une procréation médicalement assistée effectuée à l’étranger, par la compagne de la mère dans deux avis rendus le 22 septembre 2014. Cette position n’affaiblit pas, pour autant, la législation française qui réserve l’assistance à la procréation aux couples de sexe différent, souffrant d’une infertilité médicalement diagnostiquée. Elle ne fait que garantir à l’enfant le droit à mener une vie familiale normale.

La situation diffère néanmoins pour l’enfant né à l’étranger d’une mère porteuse, dans la mesure où la gestation pour autrui est frappée d’une prohibition d’ordre public sur le territoire. Méconnaitre cette prohibition, caractérise une fraude à la loi. Pour autant, le sort de l’enfant ne peut suivre celui des parents. C’est la raison pour laquelle une circulaire ministérielle autorise la délivrance de certificat de nationalité française aux enfants nés de GPA à l’étranger (Circ. NOR JUSC1301528C, 25 janv. 2013 : Dr. fam. 2013, comm. 42, C. Neirinck). Le ministre de la Justice précise que cette alternative, validée par le Conseil d’État (CE, 12 déc. 2014, n° 367324 : JurisData n° 2014-030462 ; Dr. fam. 2015, comm. 30, C. Neirinck), marque « un juste équilibre entre le principe de prohibition de la gestation pour autrui et la nécessaire protection qu’il convient de garantir à l’enfant au nom de son intérêt supérieur ».

Source: Jurisclasseur droit de la famille – 13 mai 2016

Absence de secret de l’adoption lors de la délivrance de copies intégrales d’actes de naissance

Si l’adoption est admise de longue date, sa finalité s’est transformée au cours de l’histoire. Il s’agit désormais de créer un lien de filiation qui repose sur des liens affectifs. Le lien ainsi reconnu juridiquement peut parfois se substituer au lien naturel. Le secret de la réalité biologique n’est cependant pas toujours préservé.

C’est ainsi qu’un homme a appris avoir été adopté en 1966 lorsqu’il obtient, en 2007, sur sa demande, une copie intégrale de son acte de naissance. Cette démarche n’était en rien motivée par une volonté de connaître ses origines mais plutôt d’obtenir des documents d’identité pour la délivrance desquels devait être produite cette copie. Plus précisément, il apprend que les liens de filiation connus ont été créés au terme d’une légitimation adoptive.

Cette institution résultait d’un décret-loi du 29 juillet 1939 qui visait la protection de l’enfance abandonnée. Elle bénéficiait aux enfants de moins de cinq ans, abandonnés par leurs parents ou dont ceux-ci étaient inconnus ou décédés. Par jugement, un lien de filiation pouvait être créé à l’égard d’époux n’ayant pas de descendance et respectant certaines conditions parmi lesquelles une condition d’âge. La mention de cette légitimation était faite en marge de l’acte de naissance de l’enfant qui bénéficiait des mêmes droits et obligations que s’il était né du mariage. De manière irrévocable, les liens avec la famille d’origine étaient rompus. Lors de la réforme de l’adoption, opérée par la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966, l’adoption plénière s’est substituée à la légitimation adoptive et l’article 12 de cette loi précise que les effets de cette nouvelle institution s’appliquent aux légitimations adoptives prononcées avant son entrée en vigueur.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1966, l’article 354 du code civil dispose que la décision prononçant l’adoption plénière est transcrite sur les registres de naissance de l’adopté sans aucune indication relative à la filiation d’origine. L’acte de naissance étant considéré comme nul, c’est alors la transcription de la décision prononçant l’adoption qui en tient lieu. Au contraire, dans l’hypothèse envisagée qui concerne une adoption prononcée avant l’entrée en vigueur de la réforme de 1966, cette filiation apparaît dans la copie intégrale de l’acte de naissance. Pourtant, l’intéressé ignore cet élément de son passé. Lors de sa demande, il n’a par conséquent fait mention ni de l’existence de l’adoption ni de celle de sa filiation d’origine. Dans ce cas, afin de garantir le secret de l’identité des parents d’origine, une instruction générale relative à l’état civil (IGREC) du 11 mai 1999 prévoit que l’officier d’état civil ne pourrait pas lui délivrer une copie intégrale de son acte de naissance contenant la mention de la légitimation adoptive et la demande devrait être soumise au procureur de la République (IGREC, art. 197-8). Puisque l’officier d’état civil lui a pourtant transmis la copie intégrale de l’acte, l’adopté invoque l’existence d’une faute et demande l’indemnisation de son préjudice.

Pour rejeter le pourvoi formé contre l’arrêt ayant écarté cette demande, la Cour de cassation rappelle implicitement qu’une instruction non consacrée par une loi ou un règlement est dépourvue de force obligatoire envers les tiers. Il s’agit seulement d’un texte adressé par une autorité hiérarchique (en l’espèce le garde des Sceaux, ministre de la justice de l’époque, Élisabeth Guigou) à ses subordonnés, afin de préciser l’état du droit. Un tel texte n’a en principe pas de valeur réglementaire et, d’ailleurs, les ministres ne disposent en principe pas de pouvoir réglementaire, qui appartient au premier ministre et, par exception, au président de la République. Les juges n’ont donc commis aucune erreur de droit en écartant ce fondement et, par voie de conséquence, la demande visant à engager la responsabilité de l’officier d’état civil.

En outre, la Cour de cassation observe qu’aucune loi n’impose le secret de l’adoption. Cette dernière fait bien au contraire l’objet d’un jugement. Et, lorsque l’intéressé prétend que l’article 12 du décret n° 62-921 du 3 août 1962 était un fondement qu’auraient dû retenir les juges du fond pour faire droit à sa demande, la Cour de cassation rejette également l’argument. Ce texte vise l’hypothèse de la délivrance d’extraits d’actes et énonce que ces extraits mentionnent les adoptants comme parents dans l’hypothèse notamment d’une légitimation adoptive. L’intéressé envisageait donc une interprétation extensive de l’article 12 du décret qui aurait permis de l’appliquer à la délivrance de copies intégrales de l’acte de naissance. Ce moyen est inopérant.

Cet arrêt du 31 mars 2016 suscite cependant une question : le fait que la loi n’impose pas le secret de l’adoption n’est-il pas de nature à méconnaître le droit au respect de la vie privée et familiale de l’adopté ? La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a affirmé à plusieurs reprises que l’article 8 de la Convention européenne inclut le droit à l’identité mais aussi le droit à l’épanouissement personnel. C’est sur ce fondement que la CEDH recherche si les lois nationales préservent suffisamment, après conciliation des intérêts en présence, la connaissance des origines de l’enfant . Néanmoins, dans son autre versant, le droit à l’épanouissement personnel n’induit-il pas également le droit pour la personne qui ne recherche pas ses origines de ne pas se voir imposer la délivrance de cette information lors de la remise de copies intégrales d’actes, eussent-ils été rédigés avant la réforme de 1966 ?

Source : Actualité Dalloz du 13 avril 2016 , Civ. 1re, 30 mars 2016, FS-P+B+I, n° 15-13.147

Mise en avant de l’intérêt supérieur de l’enfant

La Résolution du Parlement européen sur la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute l’Union européenne sur la base des pétitions adressées au Parlement européen rappellet que le grand nombre de pétitions reçues au sujet d’enfants indique qu’il y a un problème majeur dans la mise en œuvre du règlement « Bruxelles II bis » (ndlr : règlement  relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale) et qu’une définition claire des termes « résidence habituelle » doit être donnée.

En effet, chaque état a sa propre définition de la résidence habituelle, ce qui peut conduire à des difficultés d’interprétation et d’application des décisions (lieu où l’enfant réside effectivement, détermination de la durée de résidence à un même endroit pour être qualifié de résidence habituelle..)

La résolution souligne également qu’il n’existe pas, au sein de l’Union, de mécanisme de reconnaissance automatique des ordonnances d’adoption prises dans d’autres États membres et invite les États membres et la Commission à réglementer la reconnaissance des adoptions nationales, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et en respectant  le principe de non-discrimination.

Cette absence de mécanisme peut conduire à des procédures très longues et très coûteuses pour les justiciables