En suite du colloque sur les Droits de l’enfant et Désir d’enfant tenu ce matin, lundi 11 mai 2015, à la Maison du Barreau de Paris, retrouvez en quelques points essentiels.
I- Les droits de l’enfant et l’inexistence juridique d’un droit à l’enfant
A/ Les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux.
La formulation « protection universelle des droits de l’enfant » est très récente.
* Le premier apport international sur les droits de l’enfant est la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée aujourd’hui par 180 Etats (sauf la Somalie et les Etats-Unis pratiquant encore la peine de mort sur mineurs). Elle vise à protéger ses droits civils, culturels..
L’enfant y est défini comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu du droit applicable »
L’enfant est donc désormais pensé comme un sujet de droit.
Certaines de ses dispositions ont un effet direct (1ère civ mai et juin 2005) mais il n’existe pas de procédure pour apprécier plainte individuelle émanant des enfants ou de leurs représentants.
La Convention européenne sur les droits de l’enfant de 1996 a pour but d’élaborer un instrument juridique approprié en vue de compléter cette Convention et de promouvoir pour l’intérêt supérieur de l’enfant leur droit à accéder à des droits procéduraux.
* La Déclaration de Genève de 1924 reconnait et affirme l’existence de droits spécifiques à l’enfant et la responsabilité des parents à leur égard.
* La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 affirme notamment leur droit à l’éducation et au respect de leur vie privée. La Cour européenne des droits de l’Homme (organe juridictionnelle du Conseil de l’Europe, composée de 47 pays) rappelle d’ailleurs régulièrement que les enfants sont avant tout titulaires de droit (la saisine individuelle y est ici reconnue).
La Charte sociale européenne de 1961 définie les droits de l’enfant dans le cadre du travail mais se voit remplacée par celle de 1996, laquelle accentue les protections. La Chambre sociale de la Cour de cassation reconnait l’effet directe de ses dispositions.
* Également à ce sujet, le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur en 1980 les protège contre l’exploitation infantile et pose l’obligation pour les Etats de fixer un âge minimum au travail. Son protocole additionnel prévoit en outre que le comité veillant à son application doit faire des examens réguliers sur celle-ci et entendre les Etats à ce sujet.
* Il existe aussi des dispositions dans les statuts de tribunaux pénaux internationaux (le transfert d’enfant d’un groupe ethnique à un autre relève du crime de génocide : Tribunal pénal pour la Yougoslavie).
* Enfin on retrouve d’autre part des protections régionales (Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, adoptée en 1990).
B/ Désirs de l’enfant & droits fondamentaux
Le désir d’enfant répond-il à un droit à l’enfant ? C’est à dire la possibilité pour une personne majeur qu’une personne mineur vive à ses cotés, qu’il existe ou non un lien de filiation biologique entre elles.
Les droits fondamentaux acceptent un droit respectueux à l’enfant. Aucune restriction de principe n’est admise à leur application tant que cela ne conduit pas à porter atteinte à la dignité humaine. Toute personne a le droit de contribuer aux progrès de la science.
L’inexistence d’un droit fondamental à la procréation ou la survie de l’espèce n’est pas un oubli. Aucun texte ne peut consacrer de tels droits car les droits fondamentaux sont des libertés individuelles alors que le droit à la procréation ou la survie de l’espèce répondent à un objet collectif.
La déclaration de 1948 est la référence pour la définition des droits fondamentaux (elle juxtapose les libertés classiques, n’impliquant qu’une abstention des Etats, aux droits créances que l’individu peut faire valoir devant l’Etat, impliquant donc de sa part une action positive).
Le droit créance à la santé prévoit que toute personne a le droit d’accéder aux soins suffisants à sa santé.
L’infertilité est reconnue comme une maladie par l’OMS depuis 2009. Il s’agit de l’inaptitude, non due au seul vieillissement du corps, de concevoir pendant plus d’une année.
Or le droit créance à la santé n’est qu’une obligation de moyen pour l’Etat et ne débouche donc pas sur l’existence d’un droit créance fondamentale à procréation.
L’assistance médicale à la procréation peut s’exercer via le don d’organes ou la gestation pour autrui.
Le 1er s’inscrit souvent dans le droit créance à la santé quand il a pour finalité de réparer ou pallier à une défaillance physique.
Quant à la mise à disposition du corps d’autrui, intervenant essentiellement dans des cas de gestation pour autrui, elle a pour finalité la conception d’un être humain, et non la palliation à une défaillance physique. La GPA ne peut donc procéder d’aucun droit fondamental (même celui de fonder une famille, aucun contrat ne pouvant porter sur le corps d’autrui).
Le droit au mariage et de fonder une famille sont des droits libertés et n’impliquent donc pas une intervention de l’Etat en ce sens. Ils doivent simplement s’abstenir d’empêcher des adultes de s’unir et de concevoir des enfants.
L’infertilité sociétale est dénoncée par les couples homosexuels.
*La vision de la Cour Européenne des droits de l’homme sur la GPA, PMA & l’adoption
Le droit au respect de la vie privée et familiale suppose que cette dernière existe. La Convention ne protège pas le seul désir de fonder une famille (pas le droit d’adopter ou de recourir à une GPA/PMA si le droit national ne le prévoit pas, peu importe le sexe).
Le droit à la vie n’existe qu’à partir du moment où l’enfant est né. Il n’existe pas de protection à ce niveau de l’embryon.
La Cour a d’abord été questionnée par les questions d’adoption (jurisprudence dès le début des années 80). Depuis X c. France 1985, les relations entre un adoptant et un adopté sont de même nature que celles protégées par l’article 8. Il en va de même pour les enfants adultérins, la Cour se plaçant du côté de l’enfant.
Dans l’arrêt Frété c. France 2005 : La question portait sur la discrimination sexuelle, la Convention ne prévoyant pas le droit à adopter alors que les autorités nationales le prévoyaient.
Concernant la PMA, l’arrêt Evans c. UK 2007 pose la jurisprudence de la Cour en ce domaine. Elle contrôle avec une grande marge d’appréciation la proportionnalité entre des intérêts divergents des mesures prises par les autorités nationales. La réponse est donc toujours apportée au cas par cas. L’évolution des conceptions et de la science est à prendre en considération.
Une fois l’enfant né de PMA/GPA, qu’en est-il de ses droits ? Le plus important est de conserver le lien entre l’enfant et ses parents.
Avec l’arrêt Mennesson c. France de 2014, la France a été condamnée pour son refus de reconnaitre une filiation légalement établie par GPA aux Etats-Unis. La violation de l’article 8 est fondée uniquement sur la filiation paternelle, non sur la violation du droit des parents.
II – La protection de l’enfance, les avancées nécessaires
Le Juge pour Enfants est généralement saisi par le parquet du procureur. Il est demandé une mesure d’éducative en milieu ouverte ou d’investigation éducative quand les éléments de danger ne sont pas assez évident.
Les parents peuvent également le saisir en cas de conflit avec le Juge aux Affaires Familiales.
Lorsque le juge conclue à l’existence de danger, il ordonne une mesure de placement, pendant l’audience (donc en présence des enfants), que les parents admettent qu’ils ne peuvent surmonter leurs difficultés ou refusent le placement, ou sous forme de placement préparé à l’avance.
Un délais de 15 jours est imposé pour fixer une nouvelle audience quand la mesure est prise sans audience (dans le but de respecter le principe du contradictoire). L’objectif est toujours que l’enfant puisse retourner dans sa famille dans de bonnes conditions.
La difficulté reste de trouver une structure adaptée (surtout pour les adolescents fugueurs).
Les avocats d’enfant sont très investis car soumis à une formation initiale et continue intense. Leur intervention est néanmoins, et de façon regrettable, trop peu présente. Le juge a déjà pour interlocuteur un service éducatif, les enfants et les parents.
III – L’adoption comme mode alternatif au placement
Il y a eu une forte diminution du nombre de pupilles de l’Etat depuis 1920 (2360 en 2013, de 7 ans environ), placé suite à un retrait de l’autorité parentale ou sans filiation.
Le clivage placement/adoption réduit les interventions en ce domaine.
Il n’y a pas de représentation claire et constructive de ce statut : l’adoption est présentée comme une situation extrême et à haut risque.
Les familles adoptantes et d’origine sont toujours opposées au lieu d’être vues comme complémentaires. La représentation sociale de la famille biologique est extrêmement prégnante si bien que l’adoption est vue comme secondaire, ou pire comme un échec.
Il existe entre outre de nombreux blocages techniques (procéduraux, de temporalité…).
75% des pupilles n’en bénéficient pas. Certaines études expliquent que cela est due à l’âge des enfants, leur état de santé/handicape ou situation de fratrie.
L’adoption n’est d’ailleurs pas considérée comme un droit pour l’enfant de bénéficier d’un accès à la parentalité égale à celui des autres enfants.